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Et Dieu… (une cons-versation)

Publié par le 1 décembre 2025


Résumé de la saga
 : il y a des millénaires et des poussières, en Extrême-orient, je fus recruté par un magazine mensuel en français de Bangkok pour y tenir une chronique d’humour inspirée d’une série de strips de Georges Wolinski intitulée « Cons-versations – À l’hôtel du Gros colon » ; Je réussis mon coup : les lecteurs écumèrent de rage et je fus viré. Des galaxies plus tard, je ressortis les Cons-versations dans le présent blog et y ajoutai deux séries complémentaires : « À l’hôtel des Trois Faisans » et « Au café des Trois Pigeons », avec le succès mondial que l’on sait ; un beau jour, un sacripant, l’Ami Olivier, me fis parvenir des Cons-versations de son cru complètement brindezingues, punko-crassoïdes, délicieusement ravageuses et, pour tout dire, excellentes ; dans ces cas-là, le bloggeur est placé devant un choix : soit il déniche l’impertinent pour fins de le massacrer de l’aine à la pomme d’Adam et de l’enterrer dans un sous-bois, soit il le publie ; j’optais, lâche que je suis, pour la seconde solution ; qu’en plus, ça me faisait des vacances.

Voici que revient dans ces colonnes, veinards que vous êtes, pour toute la durée de ce que l’Occident libre et heureux nomme « La Période des Fêtes » l’Ami Olivier, encore plus barré que précédemment, prêt à saccager (comme tout un chacun devrait) les poncifs bourgeoiseux de la littérature-confiture, rire sardonique en prime, c’est gratuit, non-non, ça me fait plaisir…

Et bien sûr, il commence par Dieu.
Ben oui.
Voici donc :

ET DIEU CRÉA LA …

De qui est le proverbe : « On n’est jamais mieux servi que par soi-même » ?
Réponse : DIEU.
En aura-t-il accompli, des trucs, celui-là !
On dit qu’Il fit le monde en sept jours… pipeau !
Voici la vraie de vraie histoire vraie de la vraie création du monde.

An zéro absolu. Dans les toilettes célestes. Assis sur un trône de porcelaine juché sur un nuage dessiné par Marcel Gotlib, colombin se faisant prier (pour cause), Dieu en personne, dans Sa magnifique magnificience, Sa grandiose grandeur et son Omnipotente omnipotence, se fait chier.

DIEU :
Ugnnnidée… Me faut une idée… Gnnnn… Une IDÉE… Ugn, ugnnn…

Sa narine droite le chatouille. Du bout du doigt, Il en retire une crotte qu’Il malaxe pensivement jusqu’à former une boule verdâtre.

DIEU (examinant la boulette) :
Et pourquoi pas ?…

Il claque des doigts.

DIEU (criant) :
Que le terre soit !

Et paf, la terre est.

DIEU (examinant son œuvre) :
Vingt-Moi de putain de Moi, j’ai vu trop gros. Il va me falloir de l’aide…

Il claque de nouveau des doigts. Six autres dieux identiques mais moins bien gaulés apparaissent. DIEU leur donne illico vie, intelligence et cors aux pieds.

L’un d’eux :
Oui, c’est pour ? 

Dieu le foudroie. Les cinq autres observent le petit tas de cendres qui fume. Ils se regardent. On comprend qu’ils décident de réfléchir avant de l’ouvrir. DIEU souffle sur son index, façon pistolero.

DIEU (Il montre le globe terrestre flottant dans l’espace) :
Alors voilà : J’ai fait ce truc un poil trop gros. Il y a cinq continents, vous êtes cinq. Vous avez deux heures pour aménager tout ça. Soyez créatifs. À tout à l’heure.

Il disparaît. Les dieux UN, DEUX, TROIS, QUATRE ET CINQ se regardent à nouveau. TROIS (qui pourrait être UN) se secoue et prend pour la première fois de son existence la parole.

TROIS (qui pourrait être UN) :
C’est qui ce mec ? Qu’est-ce qu’il veut ? J’ai rien compris.

QUATRE (qui aurait pu être DEUX) :
Un mec capable de me carboniser comme ça (il montre le tas de cendres en train de disparaître), je m’en fous de savoir qui c’est. Y-en a un qui a une idée sur ce qu’on doit faire ?

CINQ (qui sera TROIS) :
Commençons par le commencement. (Il disperse la cendre). Il nous faut des noms sinon on ne saura pas qui est qui et cela risque de foutre le bordel. Moi, je serais TROIS. Toi, désignant celui qui vient de parler, tu seras DEUX.

Le suivant :
Et moi je serai CINQ.

TROIS (qui était CINQ) :
Ben non. Ordre de prise de parole mon pote. Tu seras donc QUATRE. Et toi qui a parlé en premier, tu seras évidemment UN. 

UN n’est pas cet avis. Ça se voit sur sa figure.

UN (s’étant approché de TROIS, lui tapant du doigt sur la poitrine) :
T’es qui pour décider qui est qui ? Je te ferais remarquer que je suis apparu en deuxième. Je suis donc DEUX. 

QUATRE (insistant) :
Et moi UN. J’étais là avant tout le monde !

UN (qui fut TROIS) :
Faux ! Le monde était là avant tout le monde.

Silence général. Voyant la tête de ses collègues, UN se marre.

UN :
Allez, quoi, je déconne, les mecs !…

De cinq claquements de doigts, TROIS fait apparaître cinq chaises et une table ronde. Sur la table, cinq papyrus accompagnés de cinq plumes. Au milieu un énorme encrier.

TROIS :
Il nous reste une heure cinquante pour faire le boulot. On devrait s’y mettre si on ne veut pas se faire cramer comme l’autre gus.

QUATRE (Ou c’est UN ou bien CINQ, les enregistrements ne sont pas très clairs sur ce point) :
Attendez : il manque une chaise.

Ils se comptent. Font silence. Se recomptent : ils sont six.

DEUX :
Ben, comment ça se fait ?

Le nouveau venu – le sixième, donc – a l’air plus jeune que les autres. Il tient une chaise dans une main, un pinceau et un encrier dans l’autre, et un parchemin roulé sous le bras.

Le nouveau (s’asseyant et posant son matériel devant lui) :
Je me présente : Je m’appelle PHŒNIX. Et je tiens à participer à votre petite réunion.

CINQ, QUATRE, TROIS, DEUX et UN s’assoient de même.

TROIS :
Et il vient d’où, môôôsieur Phœnix ? 

PHŒNIX :
Hello, TROIS. Bonne question. Je renais de mes cendres. Dieu m’a foudroyé juste pour vous épater, en fait. Le truc de ouf, c’est qu’il s’est planté. Il y a six continents sur la boule.

Les autres se penchent sur la terre et recomptent. Certains utilisent leurs doigts. Pas besoin d’être trop malin pour faire le dieu, non plus.

DEUX (contemplant sa main droite ouverte et son pouce gauche levé) :
Merde, c’est vrai, dit. Sauf qu’il y en a un, c’est que de la glace. Rien à en tirer. On te le laisse si tu en veux.

PHŒNIX (souriant, confiant et à vrai dire un rien agaçant) :
Le feu et la glace, c’est pareil. Je suis né du feu aussi j’accepte volontiers ce continent. Quelques orques et des gros pingouins pour les nourrir, et voilà le boulot. Sur ce, messieurs, je vous laisse. Tcho !

Il claque des doigts et s’efface. Pfouit ! Une seconde après, la chaise disparaît aussi. UN contemple pendant de longues, longues secondes la place vide, avant de secouer la tête.

UN :
Bon, et bien ça en fait un de moins à s’occuper. Maintenant choisissons. Je suis UN, je choisis l’Afrique.

CINQ (s’emparant du parchemin et de l’encrier) :
Il faut noter nos décisions. C’est moi le secrétaire. Hop Hop Hop !

Il lève sa plume pleine d’encre un poil trop vivement. Quelques gouttes atterrissent sur la manche de son voisin.

QUATRE :
Merde, fais gaffe CINQ, une toge toute neuve ! 

Les autres se marrent jusqu’à ce qu’ils se rendent compte qu’eux aussi sont tachés.

DEUX :
C’est quoi cette connerie ?

TROIS tend la main et la plonge dans l’encrier. Elle en ressort toute noire.

TROIS (fier de ses capacités déductives) :
Regardez vos mains, les frangins.

Les cinq dieux ont tous la main droite noir charbon.

TROIS (si fier qu’il en devient pédant) :
Nous sommes des siamois individuels. Ce qui arrive à l’un arrive aux autres. DIEU nous a fabriqués à partir de la même cellule. Bonjour l’apprenti sorcier !

QUATRE :
Voyons…

Il file une beigne à CINQ. Les deux poussent un même cri de douleur repris en chœur par les trois autres.

QUATRE :
S’cuse, je voulais juste vérifier. Tu as raison, TROIS.

CINQ :
Y a d’autres moyens de vérifier, abruti. 

QUATRE :
C’est pour les taches sur ma robe. Maintenant on est quittes.

CINQ (souriant d’un sourire qui n’en est pas un) :
Que tu crois…

Il lui éclate le foie d’un uppercut vicelard qui plie QUATRE en deux. Et les autres par la même occasion. Pendant cinq minutes, on n’entend plus que râles, toux et gémissements.

TROIS, respirant péniblement, balance une taloche « Bud Spencer » à CINQ.

CINQ (se frottant la nuque) :
T’es con ou t’es con ? Ça fait mal, merde !

UN lui balance un coup de pied dans la gueule.

UN :
Gnu peux le dire triple gnidiot…

DEUX claque des doigts. Aussitôt se matérialise un ring de trois mètres sur trois. Les toges ont disparues, remplacées par des shorts de boxe thaï et les gants qui vont avec.

DEUX :
Temps mort ! Marre de prendre des coups sans savoir qui les donne ni qui les prend. On va régler la situation à la loyale et une bonne fois pour toutes. Le dernier debout commandera. 

QUATRE (lissant le devant de son short) :
Y a un petit côté sado-maso qui me plaît…

Il frappe. Un crochet à la mâchoire de DEUX suivi d’un coup de pied dans ses précieuses envoie la totalité du club des cinq rouler par terre. S’en suit une mêlée de corps, ponctuée de coups et de cris de douleurs.

Dieu, Dieu en personne, dans Sa magnifique magnificience, Sa grandiose grandeur et Son omnipotente omnipotence, n’a rien perdu de la situation et de son évolution. Ayant renoncé à déféquer (Nul, même Lui, n’étant tenu à l’impossible) Il s’est contenté d’uriner au milieu d’une clairière où gambadent des faons colorisés par le studio Disney. Il achève sa vidange.

DIEU (secouant par trois fois Sa pendante magnificience médiane) :
Pas bête, ce TROIS… J’aurais dû les fabriquer à partir de souches distinctes. Hmm… Voyons… Un peu de couleurs pour les différencier… (Songeur, DIEU lave Ses mains au jet d’une source au-dessus de laquelle virevoltent des angelots dessinés par Maëster) Et surtout J’aurais du les créer moins cons !

Il se matérialise dans un coin du ring. Profite quelques instants du spectacle affligeant.

DIEU :
Stop !

L’onde de choc de son cri envoie s’échouer dans les cordes le groupe emmêlé, hérissé de bras et de pieds, entouré de bulles contenant des têtes de mort, des éclairs et des points d’exclamations. Un ange dessiné par Mœbius passe en se marrant. Les dieux, visages marqués de coquards violacés, traces de morsures un peu partout sur les corps parsemés d’hématomes, se figent.

À force d’à force, avec des grognements d’ours mal léchés, ils se dégagent les uns des autres. Puis ils se relèvent en geignant, s’appuyant les uns sur les autres tels des pochards sortant d’un bar.

DIEU :
Alors, messieurs : comment ça avance ?

TROIS crache deux dents sur le tapis, renifle la morve qui lui pend au nez, balance un glaviot sanguinolent sur le ring.

TROIS :
Comme ci comme ç…

POOOOOOOOF !

(Un « POF ! » dessiné par Franquin)

Dieu baisse les yeux sur les cinq tas de cendres. Il sort un Bolivar de sa manche, l’allume à la flamme mourante de son index. Une pinte de « Paix Dieu » à la main, il claque des doigts de pieds (*) et finit le travail en effaçant tout.

DIEU (après s’être accordé un moment de réflexion) :
Conclusion : on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! 

* Explication qui en vaut une autre pour justifier le monde bordélique dans lequel on vit. Amen.

(À suivre, si, si…)

 

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