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Bars et Barbares (une cons-versation)

Publié par le 7 août 2024

 

Mieux. Il paraît que l’ami Olivier, l’inestimable auteur de ces « Cons-versations de vacances » va mieux. Beaucoup mieux. Il a été aperçu récemment sur la côte bretonne. Penché sur l’onde, il dialoguait avec des poissons. Oui, il va mieux. En émettant des bruits de pets avec la bouche. Beaucoup mieux. On en juge :

Près du lieu-dit « Fouzhlec’h » à l’endroit où la rivière Strouilh se jette dans le golfe du Morbihan, un groupe de bars évolue tristement en attendant on ne sait quoi. Arrive Ambre, un brochet qui engage la conversation avec le plus gros, qui s’appelle Amine. Le bar Amine.

Ambre :

Salut mec, c’est toi le chef du cheptel ?

Amine (se retournant d’un coup de queue) :

Qu’est-ce qu’il veut le marin d’eau douce ?

Ambre (vexé) :

Marin d’eau douce, marin d’eau douce… Ça vaut bien un pré-salé. En voilà une façon de recevoir quelqu’un qui vient vous prévenir d’un fléau qui pourrait bien vous tomber dessus.

Amine (ondoyant, gêné) :
Désolé mais tu n’arrives pas vraiment au bon moment. Y a le sérial-pêchou du golfe qui vient d’arriver. L’heure du sacrifice approche. La saison de pêche, autrement dit. Et Gillou …

Ambre (frétillant sous le coup de la surprise) :
Attends, attends… Tu as bien dis Gillou ?

Amine :

Gillou.

Ambre :

Un grand maigre, cheveux noirs, casquette vissée sur le crâne, lunettes de soleil de frimeur de téléréalité ?

Amine (hochant la queue) :

Gillou.

Ambre :

Le père de deux clones aussi féroces que lui ? Celui qui a décidé un jour qu’il était l’élu des mers, que l’océan était son domaine, l’Attila du golfe, le Gengis des lacs du nord de l’Irlande et j’en passe ?

Amine (s’animant) :

Putain, tu l’connais bien ! Ne me dis pas que toi aussi tu subis ce carnassier sur deux pattes ?

Ambre :

Et comment que je le connais. C’est à cause de lui que je suis là. Vu qu’on n’a pas de nouvelles de lui depuis un moment, on s’est dit qu’il devait sévir ailleurs.

Amine :

T’as tout bon. Il est pile au-dessus de nous en ce moment. Tu vois l’ombre de son bateau ? Tiens, v’là même la petite lumière.

Ambre :

Le bateau : ok. Mais la loupiotte, c’est pour quoi ?

Amine :

C’est le signe qu’il faut que l’on se prépare. Il nous laisse en général dix minutes pour faire nos adieux à la famille.

Ambre :

Je comprends. Il nous laissait le double, à nous. Il n’a pas de sondeur quand il vient chez nous. Il pêche du bord et fait croire à ses potos que c’est plus compliqué qu’en mer.

Amine (se renfrognant) :
Ah ouais, sympa ! En plus il nous fait passer pour des demeurés qui mordent au premier appât. Au fait, comment il vous tien
t, le Gillou ?

Ambre (levant une nageoire) :
Comment il nous tenait tu devrais dire. On a trouvé la solution. Mais il a eu le temps de se faire une réputation.

Amine :

Raconte quand même.

Ambre :
Ça c’est passé du temps de mon arrière arrière arrière grand-père. A cette époque, ils vivaient, sa famille et lui, pépères dans un coin tranquille pas très loin d’ici. Un matin, au réveil, un énorme filet, avec des mailles sûrement pas aux normes les a entourés. Juste après, ils ont vu une grenade arriver, attachée à un bout de papier sur lequel il y avait écrit : «La prochaine sera une vraie. On négocie ?».

Amine (plissant ses ouïes, signe qu’il enrage) :
Le salaud, nous aussi ! Même technique ! Même putain de sacrifice ! Lui livrer des membres de la tribu. La chair de nos chairs.

Ambre :
C’était plus subtil que ça. Il exigeait un champion en premier. Du balaise. Un qu’il refoutait à l’eau après l’avoir épinglé et secoué dans tous les sens. Il le mesurait et gare à nous s’il n’était pas plus grand que la dernière fois !

Amine :

Ouais, il appelle ça du  » No Kill « . Juste du sport, il s’en tape que le poisson souffre comme un damné. De la torture écolo…

Ambre :

Ensuite, il lui en fallait un qu’il puisse garder et manger, en se vantant près de ses copains. Admiratifs, ses connards de copains. Ils l’applaudissaient.

Amine :

Comme pour nous. Alors, qu’est-ce que vous avez trouvé comme solution ?

Ambre (souriant) :
Pour le gros, on lui refile les gâteux, les vieux, les cons, les pourris des intestins, les Alzheimer, les masos… Et pour les autres, eh ben, rien.

Amine (étonné) :
Rien ?

Ambre (fier de lui et de toute sa bande de brochets) :
À force d’à force, on a muté. Plus un seul ne fait la taille légale, et comme ça dure depuis un bon moment, il ne vient même plus par chez nous. Faites comme nous et il ira voir ailleurs.

Amine :

Facile à dire, mais pour nous et surtout pour moi, c’est trop tard. On a tiré au sort, je suis le prochain.

Ambre :

Ah merde ! Désolé.

Amine :

T’en fais pas. Je ne partirai pas sans bruit. Je vais lui montrer qu’on sait finir en beauté.

Ambre :

Dis voir ?

Amine :

Depuis trois jours, je mange des algues constipantes et gazéifiantes. Quand il me sortira de l’eau, je vais lui péter à la figure quand il m’ouvrira le bide.

Ambre :

Cool.

Amine :

Devant tous ses potes, ce sera ma vengeance…

On perçoit de l’agitation au-dessus. Un ersatz de poisson en plastique percute la surface de l’eau et descend vers eux. Le bar Amine se jette dessus et l’avale. Le ferrage du péchou est ferme et définitif. Deux secondes de bataille perdue d’avance et c’est la remontée triomphante de la prise.

Ambre :

Salut, mec. T’es un héros !

Sur le bateau, des vivats s’élèvent.

Gillou (faisant le modeste) :
Alors les gars, c’est qui l’meilleur ?

Les copains (clamant en chœur) :

C’est GILLOU ! C’est GILLOU !

Gillou :
Allez, je le vide et on se fait des sashimis pour l’apéro.

Il sort son Opinel de sa poche, le tape sur le bord du bateau pour dégager la lame, l’ouvre et pique dans le ventre du poisson.

Sous la surface, Ambre le brochet et tous les bars réunis entendent un énorme PROUOUOUT !!!

Ils rigolent.

(À suivre)

 

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