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Le sexe humanitaire

Publié par le 10 septembre 2014

Au comptoir de l’hôtel du Gros-Colon sont assis messieurs Grandjaune (commerçant) et Labière (salarié expatrié); le serveur indigène en veste blanche se tient en faction devant eux ; en arrière-plan, un ventilateur de plafond tourne paresseusement.

Grandjaune :
(se curant les dents)
Ceux qui s’offusquent de la fréquentation assidue des bars à filles du tiers-monde par les travailleurs de l’action humanitaire, acnéiques puceaux ou cacochymes pervers, ne sont que des tartufes englués dans une pudibonderie d’un autre âge !

Labière :
C’est comme moi. Hier soir, je représentais le bureau à une soirée de charité dont l’attraction était une pièce de théâtre jouée par d’anciennes prostituées repenties…

Grandjaune :
(contemplant un bout de viande au bout de son cure-dents)
Les humanitaires mâles sont des hommes comme les autres. S’ils brûlent d’un feu grandiose qui les pousse à secourir leurs frères humains, ces saints des temps modernes ne sont pas pour autant des prêtres ayant fait vœu de chasteté !

Labière :
(allumant un cigare)
Je ne pouvais m’empêcher en regardant les actrices de penser qu’elles officiaient il y a peu de temps dans les plus sordides des bordels…

Grandjaune :
Si ces héros se laissent entraîner par le rut, exhibent à la face des gens honnêtes leurs amours tarifées, s’exposant aux crachats perfides des jaloux, la raison en est simple : ils n’ont pas d’autre solution !

Les mâchoires serrées et le regard noir, il brise le cure-dents.

Labière :
(soufflant un nuage de fumée)
Il y avait une petite brunette en mini-short avec un de ces regards hardis…

Grandjaune :
(empoignant son verre avec une sombre détermination)
Si les organisations qui les emploient prenaient leurs vraies responsabilités, elles embaucheraient elles-mêmes des travailleuses de confort dévouées, sanitairement surveillées, parlant et maniant plusieurs langues, et les entretiendraient en des lieux confortables et réservés !

(Il vide son verre et frappe du poing sur le comptoir)

La légion du temps de sa gloire n’agissait pas autrement avec ses guerriers ! En avant marche ! Inventons le bordel humanitaire !

Labière :
(souriant, faisant signe au serveur)
A la sortie, il y avait une quête pour la réinsertion des prostituées. C’était la brunette qui tenait le chapeau. Je me suis fendu de cent euros. Je m’en fous : je me ferai rembourser par le bureau…

(Après une révérence, le serveur remplit leurs verres) 

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