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Goanna massacre – épisode 19

Publié par le 5 mai 2024

 

Déconnecté !
Paralysé.
Aussi immobile devant sa voiture que, derrière lui, les bungalows aborigènes désertés par leurs habitants.
Michaël Mac Coogan, les bras abandonnés, la mâchoire descendue sur le cou, ne sentit même pas sa chaussette
droite, décidément très détendue, glisser de nouveau le long de son mollet pour s’avachir sur sa chaussure.

Même à l’instant maudit entre tous où, âgé de quatorze ans, il avait surpris sa mère troussée jusqu’au nombril, cuisses écartées, sur le divan de leur trailer de Toowoomba, gémissant des Yeeeeeesss ! et des mots orduriers sous les coups de boutoir de Melvin Norton, le gars qui, au collège, puisait sans vergogne dans la lunch-box du jeune Michaël, le bousculait à tout propos et lui assénait des gifles devant les filles…
Même lorsque son épouse lui avait affirmé, yeux dans les yeux, qu’elle partait s’installer
sur la côte pacifique et qu’elle le laissait volontiers jouer au shériff dans un patelin de bouseux pour autant de temps qu’il le voudrait et que, même, il pouvait bien crever dans son uniforme de pantin ridicule

Même alors, il n’avait pas ressenti une telle extinction de tout son être, tant le spectacle qui se déroulait devant lui était impensable.
Contraire à toute rationalité.
Étranger.
Échappant à toutes les lois de l’univers auxquelles chaque habitant de cette terre obéissait.

Il y avait…
C’était…
Bon sang, même les mots pour décrire la scène refusaient de se former dans son esprit.
Un… Un… Un lézard !
Un goanna.
Un foutu BON DIEU de BON SANG de GOANNA était affalé en travers de la banquette avant de sa jeep de fonction dont, par une inadvertance contraire à son caractère, il avait négligé de fermer la portière.
Un oubli qui, à lui seul, prouvait à quel point la nouvelle du passage à tabac du jeune Aborigène géant, celle du probable décès de la victime et celle du départ, un peu avant l’aube de la totalité de la population noire de Jarra-Creek lui avaient sérieusement troublé la cervelle.
Ça, plus la découverte du quartier de bungalows complètement vide.
Ça, plus l’imbécilité muette affectée tant par le couple Bersikovic que par Shoemaker…
Depuis le temps qu’il se sentait devenir fou !
Le dernier rempart de la Loi dans un village de plus en plus gagné par une insanité générale, et qui perdait pied peu à peu.
Eh bien, ça y était !
Il était devenu complètement timbré.
Il voyait – voyait ! – un goanna long de près d’un mètre cinquante dans son véhicule de service, occupé à broyer entre ses mâchoires le boîtier de son radio-émetteur, mettant à jour l’intérieur fait de centaines de pièces délicates qu’il brisait avec la même placidité.
Un foutu BON SANG de LÉZARD avait entrepris de BOUFFER
son VHF fixe Cobra
de la QUEENSLAND POLICE !

Ce ne fut pas vraiment lui qui se remit en mouvement, mais plutôt une sorte de clone, un robot à l’effigie de Michaël Mac Coogan qui aurait fonctionné sur des circuits de secours hâtivement activés.
Son bras droit fléchit.
Sa main tâtonna autour de son holster de ceinture. Elle trouva le colt Ruger Security-Six / Police. Ses doigts se refermèrent sur la crosse. La main tira vers le haut. Le bras se tendit. Le pouce releva le chien.
BANG ! BANG ! BANG !
Les trois premières balles calibre .38 Spécial percèrent la peau grise du monstre, y forant trois cratères ourlés de chair déchiquetée. La bête sursauta sous chaque impact puis s’affaissa, pattes étalées, abattue net.
BANG !…
La mécanique mue par la terreur qui avait remplacé le marshall continua de tirer.
BANG !… BANG !…
Le recul soulevant le canon de 102 mm à chaque coup,
le quatrième projectile creva le plafond de l’habitacle. Les deux dernières balles allèrent se perdre dans le cosmos.

Le bras de Mac Coogan retomba.
Il contempla un moment le cadavre du goanna. Le sang qui, s’échappant à lourds jets discontinus des trois orifices, se répandait sur le revêtement façon-corduroy de la banquette. Les débris de coque de plastique noirs, de fils multicolores et de composants électroniques de la Cobra détruite répandus sur les tapis de sol. Un bout du fil du micro s’échappant comme un ressort mou de la gueule en pointe.
– Je t’ai eu, salopard !
Ce fut la première pensée consciente, authentique, du vrai Michaël Mac Coogan revenu aux commandes de son être après de longues minutes d’absence. Ce fut aussi l’une des dernières car, des deux côtés de son champ de vision, d’autres goanna
s
apparus d’il ne savait où convergeaient vers lui et il entendait, derrière lui, les bruits chuchotants d’au moins une dizaine de reptations.

Il se retourna.
Les bêtes étaient bien là, toutes identiques, avançant sans hâte, s’accrochant au sol par leurs épaisses griffes brillantes, braquant sur le marshall le regard implacable de leurs yeux noirs aux cercles d’or.
Il releva le bras, appuya sur la détente.
Clik… Clik… répondit le chien de métal s’abattant sur les chambres vides du barillet.
La boîte de munitions de rechange se trouvait dans la boîte à gants du 4×4, à trois bons mètres de lui. Mac Coogan comprit qu’il n’aurait jamais le temps de l’attraper. Les premiers lézards du troupeau étaient déjà trop près de lui, les gueules ouvertes sur leurs dents luisantes dans ce qui semblaient des sourires d’anticipation cruelle.
Et puis, à quoi cela aurait-il servi ?
La boîte de balles
Federa contenait vingt balles, moins les six qu’il avait tirées. Et déjà, à la suite des quinze à vingt bestioles les plus proches, dont il pouvait maintenant distinguer les losanges rouges au milieu du front, d’autres avaient surgi.
Trente.
Cinquante.
Plus, peut-être…
Une armée de goannas gris, tous s’approchant de leur hideuse démarche sinueuse à la fois lente et déterminée.
Mortellement déterminée.
Tandis qu’une sorte de mélopée silencieuse mais bien distincte envahissait ou bien son esprit ou bien le monde ou bien les deux.
Mort… Homme blanc… Mort… Sang… Mordre…

Quelqu’un gémit d’une toute petite voix d’enfant :
– Maman, pourquoi ?
Une odeur amère de matière fécale empuantit l’air. Michael sentit un poids chaud et semi-liquide occuper soudain le fond de son slip. La voix de gosse émit encore une plainte grinçante, et le marshall Mac Coogan se mit à courir de toute la force de ses jambes vers le bungalow le plus proche.

(À suivre)

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