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Goanna massacre – épisode 29

Publié par le 13 juillet 2024

 

Vukan Bersikovic cavalait le long de Main street, le visage effaré, jetant à presque chaque foulée un regard par dessus son épaule.
D
ans sa paume gauche en coupe
, il soutenait son avant-bras droit, au bout duquel dodelinait au rythme de sa course l’amas de viande déchirée et de lambeaux de peau qui avait été sa main.

Il aperçut J.T. Walker se propulser à l’intérieur du General store et en claquer précipitamment la porte sur lui.

À une cinquantaine de mètres en avant, sur le porche de leur maison délabrée, les Jenkins n’étaient plus que deux silhouettes assises, chacune couverte d’un grouillement de lézards. Deux pauvres vieux si faibles, si impotents, qu’ils ne trouvaient la force, chaque matin, que de gagner leurs fauteuils de rotin pour y passer l’essentiel de leur journée.
Bersi, qui leur apportait chaque jour un plateau-repas, croyait entendre la vieille Emma couiner, à petits cris de souris prise au piège.

Parvenu au Star, il dut lâcher sa main droite pour tirer le panneau moustiquaire, puis poussa la porte d’un coup d’épaule.
Il tituba à l’intérieur. De sa dextre déchiquetée, pendante, s’échappèrent de grosses gouttes de sang qui s’écrasèrent sur le carrelage.
– Encore ça à nettoyer, songea-t-il stupidement, tandis que Mila, derrière le comptoir, portait ses deux mains à son visage et hurlait.
– Vukan !…
Il sentit le sol monter puis descendre sous lui comme le pont d’un bateau pris par la houle et se laissa tomber sur la chaise la plus proche.
– Vukan ! Qu’est-ce qui t’es ar… ?
– Ta gueule. Barricade.
– Mais ta main !…
– Ferme-la, je te dis. Barricade. Boucle. Ferme tout. La porte. La lucarne. Tout.

Un instant interloquée, Mila se reprit. Elle repoussa le volet qui fermait la lucarne par où on servait les Aborigènes, poussa le verrou, puis, fouillant dans la poche de son tablier pour en sortir les clés, elle courut à la porte dont elle boucla les serrures.

Elle retraversa la salle et alla prendre sous le comptoir la caisse blanche marquée d’une croix rouge des premiers secours, qu’elle veillait à maintenir toujours remplie du nécessaire. Il le fallait bien, dans un endroit comme le Star où les bagarres bourrées du soir étaient quasiment une tradition.
S’approchant de Vukan, prostré sur sa chaise, un seul regard à l’horrible plaie qu’était devenue sa main la renseigna : le mercurochrome et les sparadraps ne suffiraient pas. Il lui fallait aller chercher du matériel plus conséquent, là haut, à l’appartement. Du désinfectant. Du fil de suture. De la bande Velpeau. Un kilomètre, à première vue. Des anti-douleurs…
– Je monte à la salle de bains, chéri, j’arrive, ne bouge pas, oh mon Dieu !…
Vukan releva la tête.
– Rapporte la Yastava, ordonna-t-il.
La M 70, version yougoslave de la AK 47 soviétique, qu’il avait achetée par l’intermédiaire de copains.
– Prends aussi le 45 dans le tiroir de ma table de nuit. Et toutes les balles.
– Vukan, qu’est-ce ce qui se passe ?
– Va putain de chercher la putain de Yastava et le putain de flingue
et toutes les PUTAINS de balles que tu pourras PUTAIN de trouver
!
Mila n’insista pas et courut à l’escalier.

Tandis qu’elle grimpait les marches, il réfléchit. Il y avait encore un fusil de chasse à canon scié sous le comptoir, avec la boîte de cartouches, qu’il conservait là au cas où un imbécile aurait eu la mauvaise idée de vouloir lui voler sa caisse.
Deux battes de baseball, destinée, elles, à calmer les bagarreurs trop violents et menacer les trop mauvais payeurs.
À quoi il pouvait ajouter les couteaux de la cuisine.
Maigre, l’arsenal. Mais il faudrait faire avec.

Il regarda autour de lui.
Restaient Desjoyaux, le vieux bourrelier gâteux, et Krista Maddock, l’ancienne contremaître de chez Jarrachicks, plus de la toute première jeunesse non plus, qui le contemplaient, lui et la pièce de boucherie au bout de son bras avec des yeux écarquillés.
Pas terrible, les troupes. Mais il faudrait faire avec.
Quant aux autres…
Cette petite pédale de J.T. Walker s’était carapatée à la première seconde, comme on pouvait s’y attendre. Maugham avait pu s’enfuir à moto. De justesse. Quant à Sam Richie et Franky Klemens, ils étaient restés…
Là-bas.
À la station-service, dans le hangar, partageant le sort du gros Sfakias.
Là-bas, quoi !
Et puis il y avait eu Jenssen…

Jenssen...

(À suivre)

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