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Goanna massacre – épisode 31

Publié par le 28 juillet 2024

 

Derrière la lourde caisse de boîtes de cornichons qui la bloquait, la porte tremblait sous le poids des lézards qui pesaient dessus.
En masse, à l’évidence.
Jésus Marie mes couilles, combien étaient-ils ?
Et encore ce n’était pas les chocs sourds de leurs corps contre le panneau le plus difficile à supporter, mais les raclements de leurs griffes sur le bois, irritantes comme des ongles
grattant un tableau noir.

Assis sur la première marche de l’escalier, J.T. Walker achevait de se déchausser de sa deuxième botte.
Pour la première fois depuis qu’il les avait achetées (en profitant d’une offre promotionnelle d’un grossiste en vêtements « western », la mère de J.T. Walker, cette sainte, lui avait appris qu’un dollar sauvé est un dollar gagné) il regrettait qu’elles fussent si serrées.
Chaque matin, il lui fallait plusieurs minutes pour les enfiler, tirant comme un malade sur les deux boucles en haut de la tige prévues à cet effet. Pour les ôter, il avait un petit appareil de bois en forme de fourche au creux de laquelle il bloquait le talon avant de tirer sur sa jambe.
Mais justement, le truc en question était resté là-haut, et J.T. ne voulait pas prendre le risque de remonter les escaliers. À la station-service, il avait vu une de ces sales bestioles galoper du cadavre de Sfakias jusqu’à
l’autre con, là, Sam Richie, et lui bondir sur la poitrine comme un crapaud géant.
Jésus Marie, quand ils le voulaient, ces putains de goannas étaient aussi rapides qu’agiles. Si jamais celui qui était tapi là, quelque part dans le magasin, décidait de le poursuivre le long des marches…
N
an nan nan
, l’escalier était une mauvaise idée.

Et puis, une fois là-haut, quoi ?
Se barricader dans sa piaule
? Attendre que ça passe en se branlant sur « Studs » ?
Attendre quoi ?
Que ces satanées bestioles s’en aillent d’elles-mêmes, salut les mecs, on s’est bien marrés mais, désolés, on nous attend ailleurs ? Que le foutu 7ème de cavalerie arrive à la rescousse ?
Nan nan nan. Ça ne passerait pas. Les lézards étaient là pour bouffer tout le monde, la vieille pute de négresse l’avait bien dit la veille.
Et personne ne viendrait au secours de Jarra-Creek.
La seule solution, c’était de
fuir le patelin. Pour cela, J.T. Walker devait regagner la porte d’entrée du magasin, grimper dans le premier véhicule qu’il trouverait, se débrouiller pour le faire démarrer et pousser les gaz à fond.

Alors, depuis de longues minutes, il se contorsionnait pour tirer sur ces bon dieu de fausses mexicaines, en retenant son souffle, en s’arrêtant toutes les cinq secondes pour scruter l’obscurité, tâchant d’ignorer les bruits qui montaient de la porte arrière, luttant contre lui-même pour ne pas hurler de panique à l’idée qu‘un de ces monstres était là, avec lui, quelque part.
Le guettait, peut-être ?
Est-ce qu’une saloperie de lézard y voit dans le noir ?
Bonne question, hein ?
Foutue bonne question pour le foutu 1,000,000 dollars Chance of a Lifetime !

Wouf, ça y était !
Il posa la botte à côté de la première, très doucement, se leva, tout aussi doucement, se saisit très très doucement de son sac (s’il y avait une chose au monde que .T. Walker ne ferait pas, c’était abandonner le fric amassé pendant des années à se faire chier au milieu de connards et de nègres, ça non !) et entreprit d’avancer, le plus silencieusement possible, glissant sur ses chaussettes, un pied après l’autre.

Il s’engagea dans l‘une des travées alimentaires, conserves d’un côté, condiments et sauces pré-préparées de l’autre.
S’arrêta.
Guetta, la gorge serrée par l’angoisse.
Les lieux si familiers, même plongés dans l’ombre,
étaient devenus si hostiles !
Chaque angle, chaque recoin, chaque dessous de rayonnage pouvait dissimuler le goanna, prêt à fondre sur lui.
La boutique entière était devenue une jungle. Avec une clairière là-bas, de l’autre côté, dans la partie proche de la vitrine, éclairée par la lumière de l’extérieur. Là où se trouvait le petit comptoir avec la caisse enregistreuse.
Et, sur l’étagère juste en dessous, le revolver
six-coups chargé qu’il conservait là pour le cas où on essaierait de braquer le magasin. Le colt « Single Action » à barillet dans son holster de cuir gravé d’une tête d’indien, roulé dans la ceinture garnie de balles.
(Quand il l’avait acheté, J.T. Walker avait essayé de le porter à la hanche, comme un vrai héros de l’ouest, mais le marshall Mac Coogan le lui avait interdit, ce sale con prétentieux !)
Une fois la lourde crosse de bois de cerf dans sa main, la ceinture de balles à son épaule, il sortirait du magasin et que Dieu vienne alors en aide à quiconque se mettrait en travers de son chemin !

Il inspira silencieusement.
Poussa un pied en avant.
Puis l’autre…

(À suivre)

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