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Goanna massacre – épisode 27

Publié par le 29 juin 2024

 

Le long corps sinueux acheva de se couler par la chatière. Forme noire dans l’obscurité, la bête s’immobilisa quelques instants, semblant vouloir s’habituer à l’obscurité des lieux. Puis, ignorant l’homme qui tremblait de tous ses frêles membres à mi-hauteur de l’escalier, elle reprit sa marche, empruntant le rayon des pâtes alimentaires et des sauces pré-préparées.
La trappe en bas de la porte se souleva de nouveau, poussée par le museau d’un second monstre
.

J.T. Walker avait toujours été un lâche.
Au fond de lui, il le savait, même s’il prenait plaisir à arborer des tenues de cowboy roi du saloon et à se repasser des dizaines de fois les scènes de bagarres dans les westerns (mais c’étaient des films, bon sang de Jésus-Marie mes couilles, des
films !).
C
e jour-là, soit qu’il fût arrivé au bout de ses capacités de trouille, soit qu’il eût en lui des possibilités qu’il ne soupçonnait pas, J.T. Walker, le petit rouquin, l’avorton, l’homosexuel honteux, se comporta comme le viril héros qu’il avait toujours rêvé d’être.

Il bondit en bas de l’escalier, juste devant la tête du lézard.
– Saloperie !
Il shoota dedans. La pointe de métal qui prolongeait le bout de sa botte cogna durement le mufle du goanna qui se figea, gueule fermée, les yeux morts.
– Tiens, tiens et tiens !
Il frappa encore, de la pointe et du talon biseauté sur le crâne, changea de pied et cogna de nouveau.
– Tiens, saloperie de l’Enfer ! C’est bon, ça, hein ? C’est BON ?
Deux filets d’un sang noir et épais comme du goudron se mirent à couler des naseaux de la bête.
– Tiens ! Gn… ! Gn… ! Gn… !
Le miracle opéra. Sous la grêle de coups, le goanna recula. Ses pattes antérieures repassèrent à l’extérieur de la chatière. Puis ce fut sa tête. Et la trappe se rabattit.
– OUI !

Survolté, hagard, les yeux fous, J.T. Walker ne perdit pas un instant.
Lâchant le sac qu’il tenait toujours à la main, il se précipita sur l’objet le plus lourd qui se trouvât à portée : une caisse de vingt-quatre boîtes de cornichons aigres-doux, modèle collectivité. Il la saisit par les angles et se mit à la tirer vers la porte, faisant tomber la pancarte promotionnelle qui se trouvait au-dessus.
« Deux boîtes achetées, une boîte offerte, Jarra-Creek General Store & Gorceries travaille pour VOUS !« 
Sa
inte-Marie, que cette caisse était lourde !
(Quand il avait rapportée de Mount-Elizabeth, achetée à bas prix dans une liquidation des stocks d’un magasin pour professionnels de la restauration, J.T. Walker avait réquisitionné deux cons de Négros dans la rue pour la porter là d’où elle n’avait pas bougé depuis. Il avait rétribué les connards costauds d’une bière. Une pour deux).

Ses bottes glissaient sur le ciment du sol.
Ses doigts crispés sur les bords de la caisse lui faisaient mal, l’élançant tout le long des avant-bras, jusqu’aux coudes.
Sa gorge
laissait échapper une alternance de halètements, de grognements et de gémissements aigus, à croire qu’il était en pleine activité sexuelle.
À croire qu’il
baisait.
À croire qu’il était en train de se faire mettre par la plus grosse queue de cowboy qu’on ait jamais vue !

Enfin, il parvint à la porte. Dans un dernier effort (Rrrrrrhan !) il plaqua la caisse contre le panneau, bloquant la chatière.
Il se retourna, à la fois essoufflé et hilare, un large sourire de victoire dévoilant ses trop grandes dents.
– Voilà… Pff… Pff… Voilà le boulot… Pff…

Quelque part dans le magasin, un bruit se fit entendre. Un frottement. Un glissement de reptation qu’accompagnait le cliquetis de griffes sur le ciment.
J.T. Walker cessa de sourire.
Une de ces bêtes de l’enfer était déjà entrée tandis qu’il rassemblait ses affaires à l’étage.
Sainte-Marie du cul, elle était là, quelque-part !
Il était enfermé avec un goanna dans le magasin privé de lumière,
sombre labyrinthe de rayonnages, de caisses et d’étagères, avec tout un tas de recoins obscu
rs.

Beaucoup trop obscurs à son goût.

(À suivre)

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