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Goanna massacre – épisode 39

Publié par le 21 septembre 2024

 

JT Walker émergea de son évanouissement après seulement quelques secondes.
Gémissant, il se redressa, appuyé sur les coudes, jeta un regard au bas de lui-même, gémit plus fort.
– Non non non non…
Il ne s’éveillait pas d’un sale rêve. Ce n’était pas un cauchemar. Il s’était bel et bien fait arracher le pied gauche. Les chairs informes de ce qui restaient de sa cheville baignaient dans une mare rouge où se mêlaient de la purée de tomates au basilic et son propre sang.
– Non non non…

Le goanna n’était visible nulle-part.
Cette saloperie de lézard lui avait arraché le panard et était reparti se planquer.
Pour le bouffer, peut-être ?
Walker tendit l’oreille…. Non, pas de bruit de mastication… Les seuls sons audibles étaient les chocs répétés qui ébranlaient la porte arrière… Les goannas du dehors se jetaient dessus…
– Bonne chance, connards, pensa-t-il.
Avec la caisse de grosses boîtes qu’il avait tirée devant le panneau, les bestioles pouvaient bien s’éclater la gueule, ils ne l’ouvriraient jamais.
Mais de son goanna à lui, celui qui l’avait rendu infirme à vie (laquelle, il en avait conscience, n’allait guère durer beaucoup plus longtemps), pas un signe.
L’enculé s’était caché.
L’enculé jouait avec sa proie.
Peut-être même que, de là où il était planqué, l’enculé l’observait en ce moment-même.
En se foutant de sa poire, si ça se trouvait !

Une fois encore, J.T Walker se montra d’un courage, d’une détermination et d’une dureté dont il ne se serait jamais cru capable. Il refusa la douleur de toute son énergie, se tourna sur le ventre et, abandonnant son sac et son précieux pognon, entreprit de ramper vers le comptoir, la caisse enregistreuse et le revolver qui se trouvait en dessous.
– Gnnn… Tu vas voir, salope… Tu vas… gnn… voir ce que je vais te mettre…
Il s’aida des pieds des rayonnages pour se tirer en avant, traînant sa jambe inerte.
– Gnn… encore un peu…
Malgré la souffrance et la peur, il se sentait fort.
Il était fier de lui.
Abattu, okay. Se traînant à terre comme une loque, laissant derrière lui un sillage de sang, okay aussi. Amputé d’un pied, okay encore.
Mais fier.
Presque heureux, oui.
Un sentiment qui se teintait d’une vague amertume. S’il avait eu un peu plus de chance ou un peu plus de jugeote, si on lui avait donné au bon moment les bons conseils, il aurait peut-être été, lui aussi, un héros indomptable, comme dans les films.
C’était étrange d’éprouver ça à ce moment. Mais les pensées étaient bel et bien là, dans sa tête. Et le flot de positivité qui l’envahissait était bien réel.
– Je vais crever… gnn… D’accord… Mais pas avant de t’avoir crevé, TOI… gnn… Tu entends, salope ?… Te crever toi…

Il parvint au bas du comptoir, s’agrippa des deux mains au bord, se tira derrière.
Il se souleva en se tenant au bord de l’étagère, s’y appuya de l’épaule.
Comme il tremblait !
L’émotion. Le choc. La perte de sang.
Jésus Marie mes couilles, il y avait de quoi être secoué !

Le colt était là, dans son luxueux holster de cuir gravé autour duquel était enroulé la ceinture, celle que ce pète-sec de Mac Coogan lui avait interdit de nouer à sa taille.
Il s’empara du paquet et, fébrilement, entreprit de dérouler la ceinture.

Tout à sa tâche, se concentrant pour contrôler le tremblement de ses mains, il en vit pas dépasser lentement du comptoir la tête du goanna tapi près de la caisse enregistreuse.
Qui l’observait de ses yeux noirs cerclés d’or impavides, la gueule étirée en ce qui aurait pu passer pour un sourire moqueur.

– Hein, marshall… marmonnait J.T. Walker. Hein, pauvre con… Si je l’avais eu à la hanche, mon colt, hein ?…
Il faillit laisser échapper un ricanement amusé. Comme le holster, la ceinture était un bel ouvrage de cuir qui portait sur tout son long des décorations gravées de motifs alternés : des cactus et des lézards stylisés, façon Navajo.
Est-ce que ce ,n’était pas de l’ironie, ça ?
– Tu crois que ça se serait passé pareil si tu m’avais laissé le porter, hein, putain d’imbécile de shérif ?…
Enfin, il eut l’arme en main. Un splendide « Single Action » de western, chromé, avec son barillet plein de six jolies balles.
Il tira le chien.
Clic !
Inspira et expira trois fois, gonflant et dégonflant sa poitrine, se préparant à l’action comme un commando qui s’apprête à jaillir de sa planque.
Constata que son âme était toujours emplie de cette espèce de joie bizarre, l’énergie exultante de l’action.
Leva le bras, dans l’intention de s’appuyer au comptoir pour se lever…

Le goanna n’eut qu’à avancer la gueule de quelques centimètres pour l’attraper, un peu au-dessus du poignet.
CLAC !

J.T. Walker s’époumona de douleur et de désespoir.
Instinctivement, il tira. La détonation, dans ce petit local de ciment, fut assourdissante. La balle s’en alla éventrer trois gros flacons de shampoing qui se mirent à dégueuler leur poisseux liquide sur les pancartes d’en dessous.
« Parfum Vanille Et Monoï ! »
« Cheveux heureux, cheveux sains ! »

Le goanna pencha la tête. Un coup sec. L’humérus et le radius craquèrent comme des branches sèches.
De fines branches sèches.
J.T. Walker laissa échapper le colt et s’écroula.
Il hurlait.
La bête se laissa tomber sur lui, enfonçant ses griffes sur sa poitrine, entre les côtes, le mufle cherchant la gorge.

(À suivre)

 

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