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Goanna massacre – épisode 44

Publié par le 26 octobre 2024

 

L’enfer.
Dès les premières détonations, leurs tympans avaient lâché l’affaire. Leur monde sonore n’était plus qu’un sifflement continu, haché par les explosions qui ne leur parvenaient plus qu’assourdies, lointaines, comme s’ils se fussent trouvés sous l’eau.
Tous deux hurlaient en continu, mais ne s’entendaient pas.
Les flammes jaillissaient des canons, s’imprimant dans leurs rétines.
Les crosses leur meurtrissaient les clavicules.

Les goannas des premiers rangs giclaient sous les impacts. Des gueules ouvertes sur des dents formidables explosaient. Des corps scindés en deux bondissaient en arrière. Des débris de chair et d’entrailles tournoyaient. Des jets de sang noir épais comme de la lave jaillissaient dans l’air et retombaient aussitôt.

Chacun posté à sa fenêtre, Harriet et Maugham ne cessaient de tirer que pour se plier en deux, s’emparer d’un chargeur dans l’une des musettes à leurs pieds, l’enclencher et balancer de nouvelles rafales.
Harriet posa son HK contre le mur. Par mégarde, elle le saisit par le canon et se brûla cruellement la paume.
– Connasse, s’injuria-t-elle.
Elle empoigna le lance-grenade et tira la première des six cartouches du barillet. Malgré sa surdité, elle entendit presque distinctement la déflagration. Ce fut une vraie brèche qui s’ouvrit dans les rangs des reptiles dans un déploiement de pattes arrachées et de lambeaux de chair dans une myriade de gouttes de sang.
– Cool, pensa-t-elle.

L’air puait la poudre. Le feu.
La cordite leur mordait les yeux.
Le monde n’était plus que détonations, chocs, et parcelles de viande reptile tournoyantes.
-Prends ça ! Tiens, prends !
Harriet avait remarqué que les explosions de ses grenades ne creusaient pas seulement des brèches dans les rangs des goannas, mais aussi les faisaient reculer de quelques mètres, les premières bêtes furieuses grimpant sur celles qui venaient derrière.
Aussi continuait-elle, tirant à travers la masse, ne s’arrêtant que pour recharger le plus vite possible le barillet à six chambres.

Maugham, lui, tirait maintenant à deux HK, un à chaque poing, arrosant les rangs de lézards en cercle, à tirs continus, enclenchant de nouveaux chargeurs toutes les deux minutes, la bouche démesurément ouverte sur un hurlement sans fin que ni lui ni Harriet n’entendaient.

Résultat de ce déchaînement furieux : rien.
Zéro.
Nada.
Néant.

Les goannas touchés, hachés, déchirés par la pluie de métal ne mouraient pas vraiment. Ils ne laissaient pas de cadavres. Ils s’estompaient et disparaissaient. Purement et simplement. Aussitôt remplacés par d’autres.
D’autres ?
Non. Toujours le même. Les mêmes lourdes griffes qui s’enfonçaient dans la terre du jardin. Les même sales gueules s’ouvrant et se refermant avec une régularité de mécaniques. Les mêmes langues de diable projetées devant leurs mufles. La même façon obstinée d’avancer, indifférents à tout ce qui n’était pas leur objectif de destruction.

Tous des clones. Affreusement jumeaux.
Et en nombre inépuisable.
Infini.
Comme si la terre elle-même les vomissait.

Il ne restait plus que deux chargeurs à Maugham. Il en enclencha un. Puis l’autre.
Il vida le dernier fond de whisky écossais, tête renversée. Ré-empoigna les fusils.
Se tourna vers Harriet.
Il pleurait. Deux ruisseaux continus de larmes coulaient de ses yeux, frayant leur chemin parmi les rides de sa face de dur, burinée par le soleil du bush.
Il cria.
Harriet ne l’entendit pas, ses oreilles ravagées par les acouphènes, mais elle put lire distinctement sur ses lèvres.
– C’est ça quesse qu’y veulent, hein ?

Avant qu’elle ait pu esquisser le moindre geste, il enjamba le rebord de la fenêtre et sauta à l’extérieur.

(À suivre)

 

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